En 1989, à l'issue de la journée du Souvenir consacrée à Jean Chouan, Yves Floc’h était venu à la rencontre de mes parents pour leurs proposer d’adhérer à la jeune association. C'est ainsi qu'à peine sortie de l'adolescence je rejoignais corps et âme la Chouannerie mayennaise. Une dizaine d’années plus tôt le Président de la Chouannerie Normande, successeur de Jean de La Varende, lui avait fait part de son étonnement de voir qu’en Mayenne, berceau de la Chouannerie, il n’existait pas d’association mémorielle. Yves Floc’h relevait le défi et créait l’Association pour le Souvenir de la Chouannerie Mayennaise qui deviendra plus tard la Chouannerie du Maine après avoir « incorporé » la Chouannerie Sarthoise.
Professionnellement, il dirigeait les Editions Régionales de l’Ouest. Tous les jours il traversait à pied la ville pour se rendre dans son entreprise, au retour le Palais de la Barre ducale se dressait devant lui présentant son cadran solaire avec cette devise latine mystérieuse de St Luc « Unam time » « Qua hora non putatis veniet » « Ne crains qu’une seule heure » « L’heure à laquelle tu n’as pas pensé viendra »…Le 25 janvier 2024, l’heure d’Yves a sonné…Son créateur l’a rappelé dans son royaume 4 jours après le 230e anniversaire des martyrs de Laval, ces 14 prêtres, aujourd’hui béatifiés, morts sur l’échafaud le 21 janvier 1794 exécuter ce jour-là pour « commémorer » l’anniversaire de l’assassinat du roi. Le 26 janvier, c’était au tour du Prince de Talmont, l’ami de Jean Chouan, digne représentant de l’esprit français. Lors de son interrogatoire, à la question « depuis quand es-tu parmi les brigands ? », il répondait le plus sérieusement du monde « depuis que je suis parmi vous ».
Yves appartenait à ce monde de la Tradition, cultivant l’esprit chevaleresque, celui de la courtoisie et du respect, il avait aussi l'art de manier le verbe avec élégance, son érudition et sa grande culture lui permettaient de briller en société. C'était un gentilhomme attaché à la Vérité et à la Légitimité. En 1986, lors du millénaire capétien il avait organisé la venue du regretté Prince Alphonse à la Mairie de Laval, André Pinçon, maire socialiste mais avant tout ancien camarade de classe du Sacré-Cœur de Mayenne, l'avait reçu avec tous les honneurs. Outre la Chouannerie, on le retrouvait partout où soufflait le vent de l'antique culture : les VMF, l’Académie du Maine, la Société Archéologique de la Mayenne, le Cercle Chateaubriand (Dinan), Présence de La Varende, Société Jules Barbey d'Aurevilly, on l’a vu pèleriner à la Pentecôte sur les routes de Chartres, au Pèlerinage Légitimiste de Sainte-Anne d’Auray, entre la Mégaudais et Pontmain avec la Fraternité Saint-Vincent-Ferrier. C’était un fidèle des Journées Chouannes de Chiré, il soutenait l’ARCEM dans la restauration des calvaires en Mayenne, mais aussi l’ancien sous-préfet Jean Bodin dans son entreprise de restauration de la tombe de la Petite émigrée (vendéenne) à Lassay et se rendait régulièrement à Pontmain pour prier pour la France.
En juin 2012, nous étions allés ensemble au fin fond de la Mayenne à un spectacle équestre, j’y rencontrais pour la première Anne-Frédérique, celle qui allait faire renaître le Bal de la Saint-Nicolas avec 10 ans plus tard le succès et la consécration. Finalement dans la vie tout est une suite logique dès lors qu’on se laisse porter par le Sauveur. Si ici bas le Royaume de France s’écrit au passé, n’oublions jamais qu’on est sur Terre pour gagner notre Salut dans l’au-delà auprès du Christ-Roi, celui qui rappelait, comme Jean Chouan mourant, que « Son Royaume n’était pas de ce monde »
