« L'imagination populaire s’est emparée de la Bastille, dont elle fait volontiers un redoutable symbole d’absolutisme royal et d’arbitraire en matière de justice, plein des gémissements d’innombrables prisonniers s’étiolant sans libération possible à l’ombre de murs impénétrables. En réalité cette forteresse construite par le roi Charles V pour défendre la porte Saint-Antoine, un temps utilisée comme prison, avait progressivement perdu son importance au cours du XVIIIe siècle. Lors de l'ouverture de la forteresse conquise ou simplement remise suite à la reddition de sa garnison, le peuple de Paris n'y trouva que sept prisonniers, dont quatre faussaires. Vers cinq heures, la garnison de la Bastille se rend sur la promesse d'être bien traitée. La foule déferle dans la Bastille, y saisit la poudre qu'elle était venue chercher, pille les archives et libère quelques prisonniers. Le bilan des morts de la journée s’élève à une centaine de Parisiens. La garnison est emprisonnée, le gouverneur Launay tué, sa tête tranchée au canif par un jeune boucher. Le prévôt des marchands Jacques de Flesselles, dont la fonction se rapproche de celle d’un maire de Paris moderne, est lui aussi assassiné pour traîtrise. Leurs deux têtes sont plantées sur des piques et promenées dans Paris jusqu'au Palais Royal. » Voilà ce qu'on peut lire sur le site officiel https://www.elysee.fr/la-presidence/la-fete-nationale-du-14-juillet un récit proche de celui de Chateaubriand témoin oculaire de l'événement retranscrit dans ses Mémoires d’Outre-Tombe : « Le 14 juillet, prise de la Bastille. J’assistai, comme spectateur, à cet assaut contre quelques invalides et un timide gouverneur : si l’on eût tenu les portes fermées, jamais le peuple ne fût entré dans la forteresse. Je vis tirer deux ou trois coups de canon, non par les invalides, mais par des gardes-françaises, déjà montés sur les tours. De Launey, arraché de sa cachette, après avoir subi mille outrages, est assommé sur les marches de l’Hôtel de Ville ; le prévôt des marchands, Flesselles, a la tête cassée d’un coup de pistolet : c’est ce spectacle que des béats sans cœur trouvaient si beau. Au milieu de ces meurtres, on se livrait à des orgies, comme dans les troubles de Rome, sous Othon et Vitellius. On promenait dans des fiacres les vainqueurs de la Bastille, ivrognes heureux, déclarés conquérants au cabaret ; des prostituées et des sans-culottes commençaient à régner, et leur faisaient escorte. Les passants se découvraient, avec le respect de la peur, devant ces héros, dont quelques-uns moururent de fatigue au milieu de leur triomphe. Les clefs de la Bastille se multiplièrent ; on en envoya à tous les niais d’importance dans les quatre parties du monde. Que de fois j’ai manqué ma fortune ! Si, moi, spectateur, je me fusse inscrit sur le registre des vainqueurs, j’aurais une pension aujourd’hui. ». Un an plus tôt, le 14 juillet 1788, son voisin du pays de Fougères, le Marquis de la Rouërie se trouvait à la prison de la Bastille, le fougueux gentilhomme était venu plaider la cause du Parlement de Bretagne qui voyait ses pouvoirs limités par des édits royaux. En compagnie d’une dizaine de délégués bretons, il vivra presque « une vie de château », le Parlement de Bretagne leurs ayant fait livrer un billard et des caisses de Bordeaux. Héros de la Guerre d’Indépendance américaine et ami personnel de George Washington, il deviendra le père fondateur de la Chouannerie sollicitant son soutien qui ne viendra jamais, son ami étant un homme du monde nouveau. Lorsqu’on visite Mount Vernon, sa propriété de maître esclavagiste, on voit en effet sous une vitrine à côté de l’étendard de la navette spatiale Challenger explosée en plein vol une clef de la prison de la Bastille cadeau de La Fayette.
Ainsi, notre Fête Nationale se réfère à une émeute sanguinaire n’ayant eu strictement aucune conséquence politique. On tente de nous faire croire que la Bastille était le symbole du peuple opprimé comme l’écrira La Fayette à Washington : «Permettez-moi, mon cher général, de vous présenter une image de la Bastille telle qu'elle était quelques jours après que j'en ai ordonné la démolition, avec la clé principale de cette forteresse du despotisme - c'est un hommage que je dois en tant que Fils à mon père adoptif, aide de camp à mon général, missionnaire de la liberté à son patriarche». Cette « forteresse du despotisme » semble être aujourd’hui contestée par le récit élyséen « le peuple de Paris n'y trouva que sept prisonniers, dont quatre faussaires. ». Si la "prise de la Bastille" avait eu lieu quelques jours auparavant il aurait libéré le sulfureux Marquis de Sade qui y trouva l’inspiration pour y rédiger Les Cent Vingt Journées de Sodome ou l’Ecole du libertinage. En 2017 cette œuvre fut classée « trésor national » et acquise par l’Etat pour 4,55 millions d’euros.
Au lendemain de la "Bastille Day" comme on dit aux Etats-Unis les Archives Parlementaires nous présentent le souvenir d’une Assemblée Nationale restée fidèle à la royauté et décrit un roi se déplaçant librement sans escorte :
« Le Roi paraît à l’entrée de la salle, sans gardes, accompagné seulement de ses deux frères. Il fait quelques pas dans la salle ; debout, en face de l’Assemblée, il prononce d’une voix ferme et assurée le discours suivant :
Messieurs, je vous ai assemblés pour vous consulter sur les affaires les plus importantes de l’Etat. Il n’en est pas de plus instante, et qui affecte plus sensiblement mon cœur, que les désordres affreux qui règnent dans la capitale. Le chef de la nation vient avec confiance au milieu de ses représentants leur témoigner sa peine et les inviter à trouver les moyens de ramener l’ordre et le calme. Je sais qu’on a donné d’injustes préventions ; je sais qu’on a osé publier que vos personnes n’étaient pas en sûreté. Serait-il donc nécessaire de vous rassurer sur des bruits aussi coupables, démentis d’avance par mon caractère connu. Eh bien ! C’est moi, qui ne suis qu’un avec ma nation, c’est moi qui me fie à vous ! Aidez-moi dans cette circonstance à assurer le salut de l’Etat ; je l’attends de l’Assemblée Nationale ; le zèle des représentants de mon peuple réunis pour le salut commun m’en est un sûr garant ; et comptant sur la fidélité de mes sujets, j’ai donné l’ordre aux troupes de s’éloigner de Paris et de Versailles. Je vous autorise et je vous invite même à faire connaître mes dispositions à la capitale.
Ce discours du Roiest interrompu à diverses reprises par les applaudissements les plus vifs. »